Workshop avec Olivier Culmann
Cette semaine, les étudiants Photographie de 3ème année ont eu la chance de travailler sur le concept de "non spectaculaire" avec un invité de marque, Olivier Culmann.
Ce dernier a ainsi proposé un workshop de 4 jours, durant lequel nos étudiants ont pu travailler sur les choses du quotidien, apporter un regard à la normalité et au "non-exceptionnel".
La photographie, une trace de l'Histoire
Pour ce photographe de renom, la photographie est une trace pour l’Histoire. Il reconnait avoir cette obsession de se projeter dans 50 ou 100 ans et de se questionner sur comment la génération future comprendrait notre époque si elle devait le faire à travers des photos. Qu’est- ce qu’elle en retiendrait s’il n’y avait que des photos de conflits, de catastrophes ou d’événements ponctuels ?
C’est donc pour cela que nos apprentis photographes ont été amenés à travailler sur des choses du domaine du "normal", des choses du quotidien. Les poussant ainsi à avoir un parti pris photographique. Olivier Culmann a voulu leur faire comprendre que si l’on montre ce que tout le monde voit tous les jours, de la même façon qu’on le voit, alors cela n’a aucun intérêt. Il a tenté d'afûter leur regard sur ce qu’ils souhaitent montrer, afin de faire naître un propos dans leurs projets.
Photographie et afirmation de soi
Ce parti pris est essentiel pour Olivier Cullmann car il considère que la photographie est subjective, elle propose un regard sur le réel parmi d'autres.
Ainsi, il attendait de nos étudiants qu’ils assument leurs propos, qu’ils les revendiquent même, qu’ils s'affirment au travers de leur travail.
L’issue du workshop n’était pas de réaliser le travail d’une vie en 4 jours, mais de présenter une série photographique qui réponde à des questions, tout en faisant progresser les étudiants de façon générale. Pour Olivier Culmann, ce n’est pas tant le résultat qui compte que le cheminement intellectuel et artistique effectué par les étudiants durant cet exercice.
Quelques mots avec Olivier Culmann
- Quels conseils donnez-vous aux étudiants lors de vos interventions ?
Soyez vous-même ! On n’a rien de plus fort à offrir que ce que l’on a à exprimer personnellement. La seule chose que les autres ne peuvent pas vous enlever, c’est ce que vous avez à dire personnellement. Ne singez pas !
- Que souhaitez-vous transmettre aux étudiants ?
Je souhaite leur transmettre un état d’esprit, leur permettre d’affirmer quelque chose de subjectif. Je ne veux pas leur transmettre ma façon de faire, mais les aider à chercher la leur. Je les pousse à identifier, puis à exprimer par le biais de la photographie ce qu’ils ont à dire.
- Qu’est ce qui, selon vous, est le plus important dans l’apprentissage de la photo ?
Il y a d’abord la base technique que l’ETPA apporte à ses étudiants durant leurs trois années d’école. Personnellement, je n’ai pas eu de formation photographique. J’ai donc acquis la technique petit à petit en fonction de mes besoins et de mes travaux. À l’ETPA, on leur apprend toute une gamme de connaissances techniques qui leur permettra de répondre à différents types de commandes. C’est un avantage. N’ayant pas fait d’école de photo, je me dis que j’aurais bien aimé pouvoir avoir un bagage comme celui que propose l’ETPA. C’est un vrai plus !
Mais au-delà̀ de cette partie technique, une grande attention est donnée à l’aspect artistique et au développement du regard. Car il est fondamental que les étudiants développent leur propre regard. Je trouve qu’en troisième année notamment, il y a une grande exigence sur le « qui êtes-vous comme photographe ? », « qu’avez-vous à dire ? ». Parmi ceux qui deviendront photographes, c’est cette exigence qui permettra à une partie d’entre eux de devenir des « photographes auteurs.
- Quel est votre rapport à l’image, avec l’auto portrait ?
L’autoportrait a cela de pratique qu’il me permet de m’utiliser comme un matériau. Et l’avantage de « m’utiliser » moi-même, c’est que je suis toujours « à disposition.
La série The Others nécessita de vivre plus de deux ans en Inde et d’y réaliser un long travail d’observation de la société indienne et d’organisation des prises de vues (avec mon assistant, des coiffeurs, l’achat des vêtements…).
Au-delà de m’utiliser comme un matériau, cette série partait d’une réflexion générale sur la photographie. Habituellement, les photographes partent à l’étranger avec leur propre culture et mode photographique, pour y réaliser des images d’une autre société qu’ils rapportent ensuite dans leur pays. Avec cette série, j’ai inversé le processus. J’ai essayé de comprendre et d’utiliser les codes d’une photographie qui n’était pas la mienne puis, au lieu de photographier les gens sur place, je les ai photographiés à travers ma propre personne.
Le principe était donc de ne reporter sur moi-même que – et uniquement – ce que j’arrivais à percevoir des individus composant la société indienne. L’avantage de l’autoportrait, dans ce travail, tenait dans cette idée que s’il y avait des choses que je n’avais pas observées, que j’omettais de montrer, alors elles n’apparaitraient pas sur mes photographies.
Cette série est donc une vision personnelle de la société indienne. Mais c’est, selon moi, toujours ce que rapporte un photographe : ce qu’il arrive à comprendre et percevoir d’une société.
- Pour vous, c’est quoi une série photographique réussie ?
Je dirais qu’il y a deux choses qui font d’une série, une série photographique réussie.
Tout d’abord, il faut que la série corresponde pleinement à ce que l’étudiant a souhaité exprimer. Une série qui est réussie ce n’est pas forcément une série qui plaît aux autres, c’est une série qui correspond à ce que, soit-même, on a envie d’exprimer par le biais du medium photographique.
Je suis également assez attaché à l’idée que lorsque l’on exprime quelque chose, c’est avec l’intention que cela puisse être « entendu » par les autres. Si l’on réalise une série, c’est pour dire quelque chose à quelqu’un. Pas seulement à une personne que l’on connaît et à laquelle on pourra expliquer son intention, mais à de nombreuses personnes inconnues que l’on ne rencontrera jamais. Une série photographique, lorsqu’elle sera exposée ou publiée échappe au photographe qui l’a réalisée. Je conseille donc aux étudiants de faire en sorte que leurs séries parlent aux autres, qu’elles soient recevables par eux et que leurs propos soient « entendables » par les gens qui verront les photographies.
Un travail intelligent me semble être un travail personnel et pertinent, mais également perceptible par le plus grand monde.