Portrait de la photographe toulousaine Caroline Andrivon et lecture de ses séries “Au Carré” et “Premières mains”.
Engagement social et regard photographique sensible
Née à Mont-Saint-Aignan et originaire des Hauts-de-France, Caroline Andrivon travaille aujourd’hui à Toulouse. A la suite d’un DUT en gestion urbaine puis une licence en médiation sociale, elle travaille huit ans en tant que saisonnière et accompagne de jeunes publics venant de Lille aux Alpes, jusqu’à Perpignan. Ce temps de vie au contact des gens irrigue sa pratique : une photographie qui observe les gestes quotidiens, les invisibilités et les solidarités.
Formée à la photographie à l’ETPA, Caroline sort diplômée et lauréate du Grand Prix Photographie en 2023. « L’ensemble des séries initiées durant ma formation à l’école poursuivent leur évolution et sont toujours en cours de construction. » Depuis, sa carrière alterne résidences et expositions : résidence Transat (Ateliers Médicis) en 2023, exposition à la Galerie Photon (Toulouse) ainsi qu’au Festival Lum (Seix). Elle est ensuite invitée en résidence de création par ImageSingulières (Cévennes) en 2025 et finaliste du Prix Mentor la même année. Parallèlement, elle conduit des ateliers pour le jeune public et a suivi la formation « Photographe intervenant·e » du réseau Diagonal. Elle décrit cette approche de la photographie, comme la volonté de : « mener, en parallèle de mon activité artistique, des ateliers de transmission et de médiation auprès de publics éloignés des pratiques culturelles. Cet axe fait pleinement partie de ma démarche, et cette formation est venue l’enrichir. » La pratique de Caroline combine ainsi création et médiation et ses ateliers prolongent l’intention des séries : rendre visibles des compétences, donner accès au regard photographique, faire de la photographie un outil d’émancipation.
Au Carré : chorégraphie invisible des chambres d’hôtel
« Souvent oublié, parfois méprisé, le personnel ménager des hôtels remet en état, chaque jour, les chambres et les parties communes. » Commencée lors d’un workshop avec Olivier Cullman en troisième année, la série Au Carré s’est progressivement imposée comme un véritable projet documentaire et esthétique. Cette série, finaliste du Prix Mentor (association Freleens), scrute la condition et le geste.
Plutôt que l’anecdote, Caroline photographie la répétition : la grâce des corps tordus, l’enchaînement des mouvements, la cadence imposée par un système de travail. Elle suit le quotidien d’une femme de chambre pendant plusieurs mois, jusqu’à son licenciement, image forte de la précarité : « Emploi jetable, remplaçable mais indispensable. » Les images révèlent simultanément la déshumanisation du travail et la dignité silencieuse des personnes qui l’accomplissent. C’est un portrait du corps au travail, et une enquête visuelle sur l’absence de reconnaissance.
Découvrir la suite de la série Au Carré
Premières mains : gestes de transition à la ressourcerie
Réalisée durant la résidence « Jeune photographie documentaire et transition écologique » organisée par ImageSingulières en automne 2024, Premières mains est née à la Ressourcerie du Vigan. La série est d’abord une restitution en projection puis une suite de photographies publiées sur son site. Plutôt qu’une illustration militante, Caroline propose une observation attentive des rôles assumés par bénévoles et salariés : gestes modestes, gestes répétitifs, gestes qui permettent la réutilisation, la réparation et donc agissent pour la transition écologique.
Le parti pris est clair : valoriser l’ordinaire (tri, réparation, rangement) pour en faire le récit d’un engagement collectif. Photographies qui saisissent la texture des mains et des outils, la lumière des ateliers et l’économie du geste, Premières mains transforme les « actions discrètes mais essentielles » de la ressourcerie en laboratoire d’images qui parlent d’écologie pratique et d’entraide.










