Un photographe en quête d’abstraction
C’est en 2016, à l’ETPA de Toulouse, qu’Arnaud Chochon jette les premières bases d’Entre deux eaux, sa série sur les piscines publiques françaises vidées de leur eau. Originaire de Charente-Maritime et résidant à Toulouse, il décide à 41 ans de suspendre son activité salariée et de se consacrer pleinement à la photographie : un tournant personnel qui marque le début d’une démarche à la fois documentaire et poétique. Entre commandes, résidences artistiques et projets personnels, il élabore un corpus minutieux, porté par la volonté de rendre visible « des lieux d’ordinaire habités et remplis, débarrassés de leur fonction ludique », pour les ériger en « objets de contemplation ».
S’appuyant sur son expérience toulousaine et ses partenariats, il affine son regard : la piscine devient un terrain de jeu visuel, un écrin dans lequel mémoire collective et architecture se conjuguent. Cette exploration se nourrit du rôle hygiéniste qu’ont joué les bassins publics – vecteurs de santé publique et de promotion du sport depuis le XIXᵉ siècle – tout autant que de leur évolution technique et matérielle.


Perspectives épurées et lignes de fuite
Au cœur de la démarche d’Arnaud Chochon se trouve le choix technique du 24 mm à décentrement monté sur un Canon 5D Mark III. Ce parti pris permet d’obtenir des perspectives saisissantes : chaque cliché révèle des lignes de fuite convergeant vers un point d’horizon fixe, conférant à l’ensemble une stabilité visuelle et une élégance géométrique.
Privées d’eau, les bassins se muent en vastes édifices : vides, silencieux, ils évoquent tour à tour des cathédrales, des théâtres ou des auditoriums suspendus hors du temps. L’absence de toute présence humaine, de toute surface réfléchissante et de tout bruit parasite accentue l’intemporalité et fait surgir les volumes : plongeoirs, gradins, plages immergées s’animent d’une dramaturgie visuelle inédite. « Les piscines se transforment en monuments remarquables d’où se dégage une sérénité surprenante », explique l’artiste. Par ce retrait de l’usage quotidien, Chochon ouvre une fenêtre sur le patrimoine public français : ses matériaux, ses techniques, mais aussi ses récits sociaux et culturels.

En itinérance de Toulouse à Nancy
Après une première présentation à l’Espace EDF Bazacle à Toulouse, réalisée en partenariat avec EDF, Picto Toulouse et Une saison photo à Toulouse, la série poursuit son itinérance du 25 avril au 18 mai à Nancy, dans le cadre de l’Évènement Photographique de Nancy. Cette édition, placée sous le signe des « Eaux plurielles », invite à questionner les multiples visages de l’eau : ressource, décor, symbole, mémoire.
Les clichés de Chochon s’inscrivent pleinement dans cette thématique : ils nous confrontent à l’eau par son absence, celle qui a sculpté les espaces et fondé la sociabilité des bassins publics. Après l’Occitanie, c’est donc une nouvelle scène urbaine qui interroge la pérennité des architectures et la place de l’humain dans ces lieux autrefois collectifs. En offrant au visiteur un parcours visuel à la fois sensible et structuré, Arnaud Chochon nous rappelle que la photographie, plus qu’un simple enregistrement, peut révéler les monuments du quotidien jusqu’au 18 mai à Nancy.