Note d’intention

Sur les circuits automobiles, il y a la piste et les coulisses où tout se décide. Pilotes, mécaniciens, ingénieurs, journalistes ou vigiles s’y côtoient dans un ballet réglé au millimètre. Cet univers est souvent méconnu du public, car seuls les privilégiés y ont accès

Les mots du photographe

« Ma série documentaire Track Limits est venue d’un de mes constats. Regardant majoritairement les courses de voitures à la télévision, je me suis rendu compte que finalement on ne voyait que les voitures et la course finale. En y allant en vrai, j’ai vu toute la logistique et le dévouement d’énormément de personnes pour assurer le bon déroulement de la course. Finalement, en dehors de toute l’effervescence et de l’adrénaline que la course et la compétition produisent, il y a beaucoup de moments de calme. Dans ces moments où la compétitivité redescend, l’ambiance sur le circuit ressemble à une grande famille. Ces moments m’ont marqué personnellement. On rencontre et on échange avec des personnes venues du monde entier avec toutes des parcours différents. C’est vraiment très enrichissant.

Avant d’aller sur les circuits, je faisais souvent des repérages en regardant des anciennes courses. Mais en vadrouillant sur les circuits, je découvrais beaucoup de choses et d’endroits masqués à la télévision. Finalement, si on ne se déplace pas sur place, on ne voit que la piste, les voitures, les pilotes et un petit peu les mécaniciens. C’est pour cela que dans cette série, j’ai décidé de donner de l’importance à ces endroits oubliés, ces personnes de l’ombre qui font que finalement nous pouvons vivre cette passion.

Pour cette série, j’ai décidé de faire les photos à l’argentique avec un Hasselblad. Je suis tombé amoureux de ce boîtier, même si je n’avais jamais fait de travaux avec, j’étais confiant et je prenais énormément de plaisir. Je n’avais jamais fait d’argentique non plus mais le choix est venu naturellement dans cette série. En effet, le monde du sport automobile (et du sport en général) est un monde où tout va vite. Le but est de partager le plus rapidement possible la photo du départ de course, de l’arrêt au stand ou même d’un accident. Pour cela le numérique est parfaitement adapté et c’est pour cela qu’il est très majoritairement utilisé. Mais comme dans ce sujet je ne souhaitais pas aborder ces moments rapides, qui sont déjà vus et revus, et que je voulais m’attarder sur les moments plus calmes, l’argentique me semblait être intéressant. Le fait que les photos ne sortent pas instantanément et que le procédé prenne plus de temps, je trouve que ça correspond bien avec ce que je veux mettre en avant. De plus, au début les personnes ne comprenaient pas ce que je faisais avec cette « vieillerie » et surtout pourquoi je ne voyais pas les images. Après explications, tous étaient intrigués et trouvaient ma démarche vraiment pertinente et sensée.

C’était aussi une petite victoire pour moi avec ce sujet quand je l’ai montré aux photographes qui étaient avec moi dans ce championnat. Parfois ils se moquaient de moi car j’allais totalement à contre-courant de ce qu’ils faisaient. C’était compliqué aussi pour moi au début d’aller à l’encontre de ce que tout le monde faisait, je me posais plein de questions. Parfois je me demandais si je ne faisais pas n’importe quoi, car si personne ne faisait ça, c’est qu’il y avait sûrement une raison… Mais au final ces photographes étaient très intrigués. Ils ont beaucoup aimé : quand ils regardaient les photos, ils se demandaient parfois si on était bien sur la même course car ils n’avaient absolument pas vu ça. »